Les exploits du nageur français Léon Marchand vont déclencher, à n’en pas douter, dès la rentrée, une augmentation des inscriptions aux cours d’apprentissage de la nage. Mais la pénurie des maîtres- nageurs, amplifiée par la période de la covid et associée au vieillissement des équipements, en plus d’un important contraste territorial de leur implantation, risque fort d’engendrer plus de frustration que de satisfaction.
Il y a donc doublement urgence à s’emparer du sujet : aujourd’hui, un enfant sur trois ne sait pas nager en rentrant au collège, avec une forte disparité sociale et géographique. Le nombre de noyades accidentelles est de l’ordre de 1 000 par an, dont un quart concerne les enfants de moins de six ans. Les plus de 65 ans ne sont pas non plus épargnés. Quel décalage entre les brillantes lumières des bassins olympiques et la réalité de la vie quotidienne endeuillée chaque été !
Profitons donc de ces formidables victoires pour accentuer une prise de conscience nécessaire au service de tous. Les collectivités en charge des piscines, déjà à la peine pour trouver leur équilibre financier, ne sont plus en capacité de gérer l’entretien, la vétusté des équipements (dont quatre sur dix en Bretagne approchent des 40 années d’ancienneté) et l’augmentation du prix des fluides. Il faut donc aller beaucoup plus loin : d’un côté, promouvoir, développer et faciliter, y compris financièrement, un meilleur accès aux formations, pour, au plus vite, pallier les milliers de postes vacants de maîtres-nageurs sauveteurs, et de l’autre, s’inspirer, avec le même volontarisme, du programme « 1 000 piscines » du Président de Gaulle, qui avait permis à des milliers de petits Français d’apprendre à nager et… d’échapper à la noyade. Certes, l’État a mis en place un programme intitulé « Aisance aquatique », sans totale adhésion des professionnels, et dont on attend du reste l’évaluation, mais, en tout état de cause, l’aisance n’est pas l’autonomie élargie à toute une classe d’âge. D’autre part, en ces temps revendiqués de décentralisation, n’est-ce pas aux régions, et singulièrement à la Bretagne, de s’emparer du sujet, aussi bien du côté des formations qu’en poussant l’expérimentation déjà existante, par exemple des camions piscines, vertueux écologiquement, de surcroît, par la réutilisation de l’eau pour l’activité agricole entre autres, qui assureraient ainsi l’égalité territoriale en permettant à chaque enfant, quelle que soit son origine sociale ou géographique, de savoir nager ?
L’apprentissage de la natation est inscrit dans les programmes obligatoires depuis 1956 et connaît aujourd’hui un terrible déclin, alors même que nous fêtons notre champion national. Drôle de paradoxe qu’il nous appartient, dès à présent, de transformer en chance pour les générations à venir.
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