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« Décorsetons la vision parisienne et technocratique des territoires »

Paru dans le Télégramme :


Dans « la France en miettes », Benjamin Morel voulant jeter un pavé dans la mare, cherche à convaincre son lecteur que les régionalismes devenus « ethno régionalismes », n’auraient d’autrebut que de provoquer l’implosion de la République. Rien de moins ! Que l’agent public, qui souhaite une formation en breton pour pouvoir communiquer avec les plus anciens retrouvant au crépuscule de leur vie la langue de leur berceau, tremble. Si la République tombe, il aura eu sa part

de responsabilité. Au-delà de l’outrance du propos - vraiment, des représentants de langues minoritaires cherchant un peu de reconnaissance pour nourrir la cohésion territoriale seraient un danger pour la nation ? - c’est l’arroseur arrosé. Qu’on en juge : selon l’auteur, la défense linguistique s’apparenterait à un repli identitaire, participant d’un vaste chantier de déconstruction qui empêcherait l’unité républicaine et la solidarité interterritoriale. Bretons, nous ne demandons pourtant qu’une chose : qu’on ne nous ordonne pas de choisir entre notre poumon droit et notre poumon gauche. Oui, nous sommes républicains, nous respirons la France et croyons à la cohésion de la nation. Les exemples ne manquent pas, du taux de participation aux scrutins à l’engagement des Bretons en temps de guerre. Mais oui, mille fois oui, nous respirons la Bretagne, nous

entretenons et cultivons la mémoire de nos parents condamnés à un suicide linguistique en allant à

l’école, qui leur arrachera cette part si intime de l’existence qu’est la langue maternelle. 80 ans après, certains en parlent avec une émotion intacte, tant le choc fut grand de découvrir qu’apprendre leur serait possible, mais dans une autre langue que celle que leurs parents utilisaient pour les bercer, les aimer, les guider. Le choc fut tel qu’il se transforma en honte au point qu’en trois générations, les Bretons changèrent de langue.


« La centralisation, la vision parisienne et technocratique des territoires vide l’âme nationale de son sens en refusant de reconnaître les particularités, celles par exemple de la Bretagne (…) ».

Non, Monsieur Morel, « l’Ecole ne fut pas très secondaire dans l’éradication des langues régionales ». Décréter ensuite que la revendication régionaliste de la différenciation territoriale n’aurait d’autre effet que l’émiettement de l’État

républicain, c’est oublier un peu vite que le délitement citoyen pourrait bien au contraire trouver sa résolution dans la proximité économique, culturelle, patrimoniale… et linguistique.


Lorsque Benjamin Morel nous intime « de désidéologiser la décentralisation » nous avons envie de lui crier « N’ayez pas peur » et ensemble, désidéologisons plutôt la centralisation en décorsetant la vision parisienne et technocratique des territoires. Car c’est bien elle qui ne trouve plus son souffle, qui vide l’âme nationale de son sens en refusant de reconnaître les particularités, celles par exemple de la Bretagne, presqu’île avec une façade maritime unique, une production agricole unique, une langue, un peuple, un drapeau, son injustice spatiale et une appartenance très forte et très quotidienne au Celtic Spirit. Bien loin du travail de termite dont la conséquence saperait la République, cette identité très concrète et très peu fantasmatique - qui a un peu voyagé connaît la puissance de feu de la diaspora bretonne - apporte sa pierre à l’édifice républicain en prouvant que

la République n’est indivisible que si elle sait trouver sa richesse dans le respect de chacun et donc dans la diversité.


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