En 2017, nous écoutions la promesse présidentielle de « relever le défi de la souveraineté alimentaire ». En 2019, en important plus qu’en produisant, la France perdait de fait sa capacité - et sa volonté - à nourrir son peuple. Mais au lieu de décisions-choc concrètes, en faveur de la recherche, de la production et du stockage, qui auraient reconnu que les agriculteurs ne sont pas immobilistes mais veulent juste vivre de leur travail, les débats, les échanges, les « concertations » ont continué à se succéder dans une ronde infernale et totalement stérile.
Les producteurs agricoles sont alors, aujourd’hui plus que jamais, pris en étau jusqu’à l’asphyxie entre une importation de produits venus de pays sans foi ni loi en matière de normes et de contraintes environnementales (et sociales !), et de l’autre côté, une augmentation hypertrophiée de contraintes propres à la France. Pire encore, lorsque quelques ministres de bonne volonté cherchent à s’affirmer, les services administratifs plombent toutes les initiatives et continuent à imposer dossiers, formulaires, demandes d’autorisation, avec une seule constante : l’agriculteur est toujours présumé coupable. Aucun autre pays pourtant ne peut se prévaloir d’une sûreté alimentaire aussi performante et durable.
Et dire que l’Europe est la source de tous les maux de l’agriculture serait oublier que la France est le premier pays bénéficiaire de la Politique agricole commune. Il faudrait en revanche que les parlementaires français qui nous représentent à Bruxelles, d’une part y soient physiquement présents et reconnus, et d’autre part aient le courage de leurs positions, à
géométrie variable, selon qu’ils sont en France ou au Parlement européen. Ainsi, en votant pour contraindre les agriculteurs à de nouvelles jachères, la gauche et les représentants de la majorité présidentielle votaient la baisse de l’activité agricole et se rendaient ainsi complices de la « mal bouffe » : que ce soit en restauration collective où l’on peut trouver des légumes et de la volaille importés non tracés dont les producteurs ont échappé à toute règle, ou dans le chariot du samedi avec des produits transformés au moyen d’une matière première importée à bas coût, que les plus précaires, faute de pouvoir d’achat convenable et d’éducation à l’alimentation saine dès l’école, finissent par choisir
Dans le même temps, la planification écologique prévoit que 25 % des surfaces agricoles soient en bio en 2030 alors qu’avec 10 % des surfaces agricoles, la filière est déjà en plein marasme. Bref, en effet, on marche sur la tête. La loi Agri vient d’être reportée : très bien si c’est l’occasion de donner un très grand coup de frein aux aberrations. Que les cerises françaises annoncent le retour de l’été et pas le refrain d’une chanson. Ce « Temps des cerises » là serait un bien mauvais signe.
Agnès Le Brun,
Conseillère régionale de Bretagne
Ancienne députée européenne
Ancienne Maire de Morlaix
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